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aspi-rant et autres boites
16 juillet 2018

La découverte de l'hôpital public

Le jour prévu, je me prépare pour le rendez-vous à l'hôpital. Presque pour la première fois finalement, c'est une structure publique. Jusque là, à part pour l'opération des amygdales, cela a toujours été des consultations dans le privé. A la fois parce que, malheureusement, cela permet souvent d'avoir les rendez-vous plus rapidement, et parce que tant que nous n'avions pas besoin de cette infrastructure, autant la laisser disponible pour ceux qui en ont besoin.

Le rendez-vous étant fixé à 14h, il nous est demandé de venir à 13h30 pour nous enregistrer (d’autant plus que c’est notre première visite). Du point de vue de l’organisation, nous décidons que le papa et Cadet travailleront le matin (qui au bureau, qui à l’école). J’irai chercher Cadet, et nous rejoindrons en transports le papa sur place, qui aura amené la voiture. C’est donc lui qui se coltinera le trafic et le stationnement, pendant que Cadet et moi ferons un peu de marche. Je renonce à travailler le matin, à la fois parce que le temps est court, et parce que je ne me sens pas capable de me concentrer. De plus, ce jour-là, ce sont les interclasses de volley pour les CM2, et il faudra donc aller chercher le petit patient au stade.

Je vais me rendre compte qu’il était effectivement plus prudent que je ne travaille pas le matin. A l’heure prévue, je quitte la maison pour retrouver Cadet. Ainée est à la maison, en vacances. Je pars chargée du dossier (autant qu’il soit avec le patient), et de quoi faire patienter Cadet et moi-même au cas où l’attente serait longue. Je prends le bus, et arrive au stade à 11h30. Personne.

Personne ?

Avisant le gardien, je l’interroge. Il me répond, goguenard, que les interclasses ont toujours lieu sur la plaine de jeux, qui est plus qu’à l’autre bout de la ville, quasiment inaccessible en transports… J’ai un petit moment de panique, là, tout de même. Et j’entame ma course : reprendre le bus, appeler Aînée pour lui demander de préparer en express un pique-nique pour son frère à manger dans le train (qu’elle prépare volontiers et me laisse bien en évidence, ouf !), arriver ventre à terre à la maison, prendre notre 2ème voiture (heureusement que nous en avons 2 !), un peu volumineuse mais tant pis, filer à la plaine de jeux.

Arrivée là, il faut repérer le groupe, et récupérer un Cadet qui commençait à s’inquiéter. La maîtresse me dit : « justement, j’étais en train de vous appeler ! ». Je lui réponds que dans le cahier, elle m’a indiqué le mauvais stade, et que je suis donc très pressée pour être à l’heure à l’hôpital. Pas trop sèche, enfin je crois, mais franchement pressée. Nous montons dans la voiture, filons jusqu’à la gare. Il faut encore attendre le train… Mais au moins Cadet peut manger. Et le temps que j’avais prévu pour déjeuner sur place sera remplacé par du temps pour cette péripétie et être à l’heure tout de même.

Finalement, le soir, de retour à la maison, je vérifierais dans le cahier : c’est moi qui me suis trompée ! Plates excuses à la maîtresse, niveau de stress trop important…

Arrivée à l’hôpital, dédale, enregistrement, dédale, attente. Le lieu est beau, tout neuf, mais les enfants qui sont là sont, pour certains, bien plus atteints que Cadet. Est-ce notre place ?

Nous sommes reçus avec 45 min de retard (finalement, ce n’est pas si long) par la cheffe de service des maladies neuro-musculaires. Le déroulement de la consultation est classique : questions, lecture des examens, examen clinique. Je me demande ce qu’elle va demander pour la suite : électro-encéphalogramme ? Electromyogramme ? Biopsie du muscle ? Que sais-je ?

Elle ne demande rien : c’est une altération du faisceau pyramidal. Un Strümpell-Lorrain.

Les nerfs et les muscles vont bien, c’est la commande qui se fait mal. Le faisceau pyramidal, c’est la partie du système nerveux central (le cerveau et la moelle épinière) qui commande la motricité volontaire. Donc quand le cerveau de Cadet envoie un ordre moteur, les nerfs qui transmettent l’ordre aux neurones moteurs (qui transmettent aux muscles) font mal leur travail. Le Papa s’exclame : « c’est comme dans mon travail : c’est un problème de contrôle commande ! ».

Cela explique les difficultés motrices de Cadet : peu d’automatisation, spasticité, fatigabilité. Cela s’exprime essentiellement dans les membres inférieurs, mais chez Cadet, pas seulement. Cela explique ses difficultés d’écriture, et le fait que lors de la rééducation chez l’orthoptiste, il ait fallu renoncer à aller au bout. Cela explique qu’en sports, et malgré sa volonté et ses efforts, il ne progresse que jusqu’à un certain point. En lisant, plus tard, sur ce syndrome, cela explique aussi ses impériosités mictionnelles (et encore, il arrive à temps !).

 

Cela explique beaucoup de choses, mais il va falloir assimiler, et le parcours ne fait que commencer. Elle pense, étant donné que la spectroscopie faite à l’IRM est normale, qu’il est très peu probable que cela soit du à un problème métabolique. Le plus probable est donc une mutation génétique. C’est augmenté pendant les périodes de croissance, mais elle nous dit que cela ne devrait pas s’aggraver.

Le programme dont elle nous parle ce jour là est le suivant :

-          Commencer par passer l’été tranquille, souffler. Cadet est de toute façon totalement saturé de tous ces examens, même s’il s’y plie de façon toujours très coopérative.

-          Prise de sang à l’hôpital, pour vérifier que ce n’est pas métabolique, puis entamer les recherches génétiques : si Cadet a une mutation connue pour le syndrome, on la trouvera ; plus vite si c’est une des plus fréquente (dans une maladie rare…), moins vite si c’est une mutation moins fréquente, peut-être pas si c’est une mutation encore non identifiée.

-          Rendez-vous avec les orthopédistes pour faire des orthèses de nuit pour les pieds, pour limiter les rétractions du tendon d’Achille, qui laisseraient des séquelles en perturbant définitivement la marche. Elle nous a prévenus que c’est souvent très difficile à faire accepter à l’enfant.

-          Bilan d’orthophonie à l’hôpital pour déterminer si Cadet peut écrire suffisamment vite et longtemps pour suivre une scolarité papier-stylo, ou bien s’il faut passer à l’ordinateur. Ce qui impliquera qu’il apprenne à s’en servir.

-          Séance de kiné hebdomadaire pour lutter contre les rétractions. L’hôpital doit nous envoyer une liste.

-          Pas de contre-indication médicale au sport,  à condition que cela reste bienveillant. C’est-à-dire que pour le tennis avec son prof hyper-gentil, c’est OK. Pour la marche en montagne cet été, à condition d’adapter le terrain et le rythme, c’est OK. Pour le sport à l’école, c’est OK si et seulement si le prof adapte ses exigences aux capacités réelles de Cadet, et renonce à appliquer la grille standard.

C’est l’hôpital qui nous convoquera pour la prise de sang et les rendez-vous. Nous n’avons plus qu’à attendre. Cela ne se fera certainement pas sur mon tempo personnel, mais, pour la 1ère fois, nous sommes pris en charges. Pour la 1ère fois depuis les 11 années que nous nous débattons pour que Cadet grandisse le mieux possible et accomplisse sa vie, nous sommes pris en charges.

Pour l’heure, c’est vacances. Il faut assimiler : maladie génétique rare, bouleversement de la scolarité par les soins à minima, de l’emploi du temps familial, questions sur les perspectives d’avenir. Cette prise en charge ouvre le temps à ce que cela se fasse. Pour une fois, je ne vais pas gérer de front les affres de mes angoisses pour notre famille et les actions à mener tambour battant. Je me connais trop bien pour ne pas douter que je vais reprendre le collier (trouver le bon kiné pas trop loin, rencontrer les profs du collège à la rentrée, ruser pour rendre acceptables les orthèses, etc.), que les questions ne s’arrêtent pas, mais je n’ai pas, dans le même temps, à passer des appels, chercher des interlocuteurs, arracher un rendez-vous.

Alors… vacances, temps vacant, libre.

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